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Appel à soumettre une proposition : Les mots du genre. Circulation, traduction et interdisciplinarité

1 Jun 2025 4:53 PM | Anonymous member (Administrator)

Les mots du genre. Circulation, traduction et interdisciplinarité
Date de tombée : 01 septembre 2025
Université du Québec à Trois-Rivières, 21-23 mai 2026

Dans le récent Qui a peur du genre ? (2024), Judith Butler s’interroge sur la traduction et, de façon concomitante, sur la circulation des concepts dans les études de genre :

Parfois le mot ne marche pas dans d’autres langues, et parfois il se découvre des cousins linguistiques qu’il ignorait avoir. La saillance du terme dépend de la traduction, mais affirmer cette traduction altère souvent la signification d’un mot quand il arrive dans une autre langue et dans un autre contexte. (Butler, 2024, p. 54)

En effet, les déplacements culturels, disciplinaires et linguistiques des mots du genre nécessitent de repenser les moyens et réseaux de signification empruntés pour définir. De plus, le passage d’une langue ou d’une culture à l’autre, voire entre plus d’une langue et plus d’une culture, par la friction que ce mouvement suscite, fait saillir des nuances et des significations nouvelles.

La traduction des mots du genre, féministes et intersectionnels, ont des effets multiples, qui permettent de réfléchir à nouveaux frais les concepts. D’abord, elle est nécessaire pour lutter contre un impérialisme de l’anglais dans le champ (lequel se fait de plus en plus patent, alors qu’on parle par exemples en français des éthiques du care et des politiques queer), tout en pouvant mener à plus de malléabilité politique. Réfléchir aux « mots du genre » de façon interculturelle et interlinguistique, c’est aussi permettre à des pensées d’interagir de façon transnationale. Cette perspective transnationale permettant, explique Zahra Ali, de « transcender, de secouer (nefada) et de remettre en question les frontières nationales, de genre et de sexualité [et de] rompre avec l’idée d’un ‘ici’ et d’un ‘là-bas’ correspondant à une géographie imaginée qui nourrit les féminismes blancs hégémoniques du Nord » (Ali, 2023, p. 149). Enfin, et justement parce qu’un mot peut rarement être parfaitement « transposé » d’une langue à l’autre, les différentes résistances qu’offre la traduction sont fécondes : elles demandent de dénaturaliser le « texte » comme ce qui viendrait simplement représenter un fait naturel et pré-discursif. En ce sens, la traduction et l’«intraduisibilité » de ces mots sont au centre même du fondement théorique des études de genre, et lorsqu’interrogées, elles viennent créer de l’étrangeté dans la langue, forcent à remanier les termes en les faisant toujours trembler, réfutent l’apparente transparence du discours.

Les déplacements linguistique et culturel ont été au centre de la théorisation des études du genre occidentales du Nord global, émergeant de la rencontre entre la « French theory » et la littérature comparée nord-américaine. Ainsi, Anne Emmanuelle Berger, dans Le Grand Théâtre du genre, raconte qu’« après avoir assisté à la fabrication de la ‘pensée française’ aux États-Unis, [elle a] assist[é], de retour en France, à la ‘réinvention’ des Gender Studies, supposées ‘débarquer’ des États-Unis » (Berger, 2013, p. 10).  Si les mots du genre sont, dans cette généalogie franco-états-unienne, toujours déjà venus d’ailleurs (tenus comme des étrangers, et considérés comme tels par leurs détracteurs), ils ont toutefois eu tendance à se fixer dans l’anglais. Penser de façon critique les traductions des mots du genre, c’est chercher à les sortir de l’impérialisme des ornières anglo-occidentales, blanches et androcentrées, et se rappeler que les politiques queer sont, par définition, transfrontalières (Preciado, 2003). C’est aussi penser, avec les écoféministes (Haraway, 1991, 2016; d’Eaubonne, 1974) aux relations possibles ou impossibles entre différentes oppressions, capitalistes, patriarcales et coloniales. C’est, donc, critiquer, comme a pu le faire la pensée intersectionnelle (hooks, 1981; Creenshaw, 1989, 1991), la tentation d’une « traduction » trop directe entre les luttes propres à chaque oppression, qui tend à effacer, au sein du féminisme, les nuances et la spécificité des expériences des minorités. En ce sens, réfléchir la traduction et les déplacements des mots du genre à partir des limites épistémologiques ou apories de la langue (Athanasiou, 2003), c’est se rappeler que le savoir est situé, non seulement de façon expérientielle, mais aussi culturellement, linguistiquement et disciplinairement. 

Car les théories féministes et les questions queer sont, d’emblée, interdisciplinaires. Tout comme pour la traduction linguistique, ce voyage entre les disciplines crée à son tour de nécessaires frottements dans les définitions, des mésententes qu’il faut interroger. Comment envisage-t-on l’« asexualité » en sociologie, comment la comprend-on en médecine ? Comment les « savoirs situés » peuvent-ils émerger des sciences de la nature, pour aller vers l’anthropologie, et la philosophie ?  Enfin, comment le détournement des mots et des discours d’une discipline vers l’autre sont-ils reliés épistémologiquement aux politiques queer ?, Preciado expliquant que « les corps de la multitude queer sont aussi des réappropriations et des détournements des discours de la médecine anatomique et de la pornographie, entre autres, qui ont construit le corps straight et le corps déviant modernes » (Preciado, 2003, p. 22).

C’est donc la (non)définition, jamais claire et définitive, des « mots du genre » à l’aune de leurs déplacements que nous voulons étudier/analyser/débattre dans ce colloque. La difficulté à traduire ces mots, figures et concepts remettrait en question l’unicité d’un sens qui soit figé, et qui puisse, tel quel, traverser langues, cultures et disciplines. En ce sens, la circulation des mots du genre demande de toujours remettre en scène la centralité du langage, du discours et de sa performativité dans la réflexion politique. Elle est au cœur des possibilités politiques d’association horizontale, alors que « la traduction est la condition de possibilité d’un féminisme transnational et d’une solidarité effective contre le mouvement idéologique anti-genre. » (Butler, 2024, p. 54)

Les propositions de communications et les propositions de panel doivent être envoyées à l’adresse lesmotsdugenre@gmail.com d’ici le 1er septembre 2025. Nous invitons des communications portant notamment (mais pas exclusivement) sur les axes suivants :

  • La répercussion de la définition d’un mot sur un concept lié aux théories du genre
  • L’impérialisme linguistique et les approches décoloniales ou postcoloniales des théories du genre 
  • L’impact d’un transfert culturel ou linguistique sur une notion liée au genre, ou la proposition de traductions alternatives
  • La définition de notions féministes / queer émergeant de cultures non-occidentales et leur circulation
  • La démarche ou analyse de la traduction linguistique d’une œuvre féministe ou queer
  • Les déplacements entre disciplines d’un terme lié au genre
  • La généalogie des concepts, des figures, des imaginaires du genre (temporalité non-linéaire)

Nous vous encourageons aussi à proposer des séances interdisciplinaires, interlinguistiques ou interculturelles (de 3 ou 4 personnes), autour d’une seule notion ou d’un mot. Dans le cadre des séances ainsi constituées, chaque communication n’a pas à penser la circulation du terme, laquelle sera prise en charge par la globalité du panel. 

Les présentations peuvent avoir lieu dans une des trois langues (français, anglais ou espagnol), mais les discussions seront en français.

Le colloque se déroulera à l’Université du Québec à Trois-Rivières du 21 ou 23 mai 2026.


Ce colloque est organisé en partenariat avec le Dictionnaire du genre en traduction. Nous prévoyons une publication d’une sélection des communications dans le cadre de cet ouvrage en ligne.

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